Méandres administratifs en voyage

Comme nous l’avons évoqué dans certains articles, nous nous sommes rendus à plusieurs reprises au consulat de Rio de Janeiro. Il ne s’agissait pas de visites de courtoisie: nous avions un problème à régler avec mon passeport (Nadia). Cela fait en réalité des mois que cela dure et maintenant que nous avons résolu le problème, nous pouvons l’avouer: depuis le début du voyage j’utilise un document invalide! En effet, tout a commencé lorsque nous faisions les derniers préparatifs avant le départ, en septembre. A l’époque, nous envoyons  nos passeports à Rouen, au consulat du Népal en France, pour y faire apposer le visa nécessaire à l’entrée sur le territoire népalais. Après quelques jours, nos documents reviennent par courrier recommandé avec ledit visa. Mais, il y a un « mais »… Alors que nous avons demandé (et payé 90€ chacun) pour un visa valable plus de 30 jours à partir de début novembre, la date inscrite sur mon document est le 04/02/2016!

Le visa est périmé avant même notre départ! Nous appelons le consulat, qui nous répond gentiment que ce genre d’erreur arrive et que nous n’avons qu’à remplacer le 02 de février par un 09 de septembre au stylo! Non seulement nous sommes mal à l’aise avec le fait de modifier nous-même un document officiel, mais en plus, nous ne sommes pas sûrs qu’une rature soit acceptée au moment de passer l’immigration népalaise.

Réponse du consulat: « au pire, vous referez un visa à l’arrivée, ça va très vite! ».

Après avoir expliqué le plus calmement possible que:

  1. En arrivant à 22h, après un long voyage, nous n’aurons sûrement pas envie d’expliquer aux douanes que le consulat du Népal s’est trompé, ni de faire la queue pour remplir des papiers (sinon à quoi ça sert de faire une demande de visa avant le départ!?)
  2. Nous avons payé 90€ pour cet autocollant officiel et la moindre des choses est de le remplir correctement, car nous n’allons pas payer 3 fois le visa pour une erreur de leur part…

M. le Consul honoraire accepte finalement de corriger son erreur et nous laisse même ses coordonnées directes pour suivre le dossier. Très bien! Nous ne tardons pas et renvoyons le visa à remplacer en espérant le recevoir avant notre départ, car avec tout cela nous avons perdu quelques jours! Le document revient heureusement dans les temps, avec une date valable et même un tampon indiquant que le Consul l’a vérifié en personne! Nous partons sereinement au Népal en début novembre et passons sans difficulté l’immigration, fin de l’histoire!

Evidemment, cela aurait été trop beau…

Alors que nous attendons le contrôle de nos passeports au poste-frontière de Sunauli, entre le Népal et l’Inde, le 2 décembre, le douanier m’interpelle: « vous savez qu’il manque une page à votre passeport? »

Pardon? Comment ça? Effectivement, nous découvrons avec consternation que la première page de mon passeport tout neuf – je l’avais fait refaire exprès avec mon nouveau nom* – a été arrachée. En fait, le nouveau visa du Népal n’a pas été collé sur l’ancien, non, cela aurait été trop simple! La personne qui a fait le remplacement, en septembre, a pensé qu’il serait bien mieux de dissimuler l’erreur en arrachant la page! Il est pourtant bien écrit à l’intérieur du passeport que détériorer celui-ci constitue un acte pénal! Pour ne pas arranger les choses, le visa pour l’Inde, qui a également été demandé avant le départ, a été apposé sur la page exactement à l’opposé de celle arrachée. Et évidemment, la page du visa indien commence à se détacher étant donné que la couture ne tient plus que d’un côté du livret… Le douanier Indien, devant notre désarroi, nous rassure un peu, puis nous met en garde: pas de problème pour l’Inde, notre visa étant en règle, mais cela pourrait être problématique pour la suite du voyage.

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Bien, nous allons régler cela dès que possible! Sachant qu’il faut du temps pour refaire un tel document, nous attendons d’être à Bangalore, soit la mi janvier, pour nous rendre au consulat de France. Entre-temps, mon passeport est trituré dans tous les sens à chaque check-in d’hôtel, pour les photocopies, et la page du visa indien menace de se détacher.

Heureusement, Franck ayant conservé les coordonnées directes du Consul honoraire du Népal en France, il a pu lui soutirer un courriel – après un échange téléphonique musclé – dans lequel le diplomate explique et assume son acte. Nous sommes d’ailleurs choqués d’entendre de sa bouche qu’il s’agit d’une pratique courante en cas d’erreur! La personne qui nous reçoit au consulat de France à Bangalore n’en croit pas ses oreilles lorsque nous lui expliquons la situation. Il nous indique clairement que des procédures officielles d’annulation de visa sont tout à fait possible sans détériorer le document. Le temps étant trop court pour faire un passeport classique, il nous propose la procédure de passeport d’urgence.

Seul bémol, ce document nécessite un visa pour entrer aux USA… Et nous avons une escale à Los Angeles pour notre transfert Inde-Île de Pâques. Nous nous renseignons sur la demande de visa pour les USA: il faut se rendre à Chennaï et les chances de l’obtenir dans le délai sont très faibles. Nous tentons de modifier l’itinéraire auprès de l’agence qui a réservé nos vols: il est possible de remplacer l’escale à LA par une escale en Australie! Mais les vols sont complets jusque fin mars… Devant toutes ces contraintes et la date du départ approchant, nous décidons de tenter notre chance et de ne pas engager les démarches pour de nouveaux papiers, en croisant les doigts pour ne pas tomber sur un douanier zélé à Los Angeles!

Le diplomate Français de Bangalore, magnanime, rédige tout de même un courrier attestant de notre bonne foi dans le cas où les autorités indiennes, hong-kongaises, américaines ou chiliennes (nous avons beaucoup d’escales pour ce transfert!) peineraient à comprendre la situation, certes un peu particulière.

Finalement, notre bonne étoile nous fait éviter les USA: le vol pour Hong-Kong ayant pris du retard, nous n’arrivons pas à temps pour la correspondance vers LA et sommes reroutés vers Toronto (voir l’article Voyage à travers le temps). En Amérique du Sud, nous tardons à effectuer les démarches: soit nous ne restons pas assez longtemps dans une ville possédant une ambassade ou un consulat, soit les horaires ne correspondent pas. Il faut dire que le « service aux Français », cette plage horaire destinée à recevoir les ressortissants de l’Hexagone, est assez restreint: souvent de 9h à 12h du lundi au vendredi, lorsque ce n’est pas un jour sur deux!

En Patagonie, nous passons à plusieurs reprises la frontière entre le Chili et l’Argentine; à chaque fois, c’est le même numéro: repérer la file d’attente où le douanier semble moins attentif pour s’y placer discrètement. Le visa indien ayant fini par se détacher complètement, le fait qu’il manque des pages à mon passeport est devenu moins flagrant. Cependant, nous avons quelques sueurs froides lorsque nous remarquons que certains douaniers comptent les pages et nous changeons de file in extremis. Cela suffit, nous ne pouvons pas continuer à voyager en stressant à chaque passage de frontière!

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A Rio de Janeiro, où nous restons plusieurs semaines, toutes les démarches deviennent possibles et nous prenons rendez-vous. Après avoir expliqué notre situation à l’accueil, nous sommes « reçus » (en fait nous avons une discussion dans la salle d’attente) par une personne semblant être un responsable. Devant son air offusqué à l’écoute de notre récit – il nous encourage même à porter plainte contre le Consul honoraire du Népal! – nous sommes soulagés: il va pouvoir nous aider! Mais à la fin de l’entretien, l’homme conclut: « du coup, je vous fais un laisser-passer** pour votre retour en France ».

Eh bien… Nous lui réexpliquons que nous continuons le voyage et que nous souhaitons refaire mon passeport pour repartir sur de bonnes bases. L’homme semble alors embêté. Il feuillette le document, examine la page arrachée, réfléchit un instant, puis nous dit: « en même temps, ça ne se voit pas qu’il manque des pages. A votre place, je continuerai avec ce passeport! »

Nous sommes estomaqués. Lui qui était outré quelques minutes auparavant nous conseille maintenant de voyager avec un passeport invalide! Puis, bizarrement, lorsque nous lui expliquons que nous avons pris un rendez-vous dans les règles (en ligne avec récépissé) et que nous sommes en droit de demander un nouveau passeport, il se ravise. Si nous payons, alors il n’y a pas de problème! Un passeport classique coûte 96€, un passeport d’urgence, 45€. Bien que nous ayons deux bonnes semaines devant nous, nous préférons demander un passeport d’urgence, réalisable dans l’heure.

Mais c’est sans compter l’entêtement du personnel du consulat. « Vous devriez tenter le classique, au moins il sera valable 10 ans. » Argument qui se tient. Quelles sont les chances de l’avoir avant notre vol pour São Luis le 30 avril? « Oh… je ne peux rien garantir, en général c’est sous deux semaines, je dirais 80%. Mais on ne sait jamais. Mais ça se tente! ». Prenons rapidement en compte les faits:

  • Nous sommes jeudi 13, veille du vendredi Saint, férié au Brésil;
  • La semaine suivante, le vendredi 21 est également férié;
  • La semaine d’après, le vendredi 28, le consulat est fermé pour cause de grève générale dans tout le pays (les Français sont invités à ne pas sortir);
  • Les valises de passeport sont livrées le jeudi après-midi uniquement.

Nous n’avons donc que 8 jours ouvrés devant nous et le dernier délai pour recevoir le passeport est la veille d’un weekend long. Mais sinon, pourquoi ne pas faire le passeport d’urgence? Réponse évasive de notre interlocuteur: « ce n’est pas valable dans tous les pays »… « Si j’étais vous, je tenterais la procédure classique »… »Si ça ne passe pas on pourra toujours faire un passeport d’urgence le jeudi après-midi ». Sans comprendre que nous devrons payer aussi le passeport d’urgence, nous acceptons de prendre le risque de la procédure plus longue.

Après quelques péripéties supplémentaires (erreur dans la demande, obligation de revenir le lundi de Pâques pour refaire le dossier, suspense à l’arrivée de la valise des passeports le jeudi 27…), nous recevrons finalement mon nouveau passeport dans les temps.

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Le personnel du consulat ayant pris un malin plaisir à jouer avec nos nerfs lors de la livraison de la valise, cela ne nous laissera pas un souvenir très positif de l’administration française au Brésil. Nous sommes soulagés d’avoir tout de même pu obtenir un document en règle. De plus, j’ai pu conserver l’ancien (annulé en bonne et due forme) et ainsi préserver tous les tampons du début du voyage! En revanche, il a encore quelques inconvénients:

  • le nouveau passeport étant vierge, il faudra présenter l’ancien à la sortie du Brésil et espérer la compréhension des douanes sur le fait que le tampon d’entrée sur le territoire se trouve sur un document non valide.
  • les réservations pour le trek de l’Inca au Pérou ont été faites avec le numéro de passeport initial et il faudra encore présenter ce document pour pouvoir accéder au sentier.

Cette expérience nous a montré qu’il est important de voyager avec les copies de ses papiers d’identité, mais aussi d’avoir accès aux documents importants (sur une adresse e-mail par exemple), sans quoi il aurait été impossible de refaire un passeport. Il faut en effet être capable de présenter une pièce d’identité valide et un justificatif de domicile de moins de trois mois!

Cela dit, mise à part la perte de temps (et d’argent) induite, avoir un passeport Français délivré à Rio de Janeiro, c’est quand même la classe! 🙂

*et soit dit en passant, la mairie m’a fait payer alors que dans le cadre d’un changement de nom cela doit être gratuit, merci encore à l’administration…

**Le laisser-passer est un document édité par l’administration française pour permettre à un citoyen de sortir d’un pays étranger dans lequel il a eu un problème avec son passeport (perte ou vol). Contrairement au passeport d’urgence qui est valable un an, le laisser-passer n’est utilisable qu’une fois.

Source image à la une: pixabay.com/fr

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7 réflexions sur “Méandres administratifs en voyage

    • Nadia dit :

      Héhé! C’est pas faux! Par contre nous sommes quand même meilleurs que l’administration brésilienne!!! Vraiment ils ne sont pas stressés par la surcharge de travail! 😛

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  1. serialtravelersblog dit :

    Et bien que de péripéties en effet ! ça donne à réfléchir ! Nous avons sauvegardé une copie de la 1ère page du passeport sur notre serveur mail et il y a la feuille d’imposition à venir pour notre justificatif de domicile. Vous pensez qu’il y a d’autres documents à prendre encore ?

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    • Nadia dit :

      Hello! Oui il vaut mieux conserver les documents en ligne et aussi garder des photocopies papier. C’est utile notamment pour éviter de présenter les passeports officiels pour des locations ou des réservations. Photocopiez/enregistrez aussi les visas, ainsi que la carte d’identité. Et gardez à portée de main vos polices d’assurance et les numéros à contacter en cas de pépin (rapatriement, opposition CB, assurances CB, banque, etc.). Certains gardent aussi les factures pour le matériel important. On espère qu’il n’y aura pas de souci mais on n’est jamais trop prévoyant! 🙂

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